L’exploration d'une image

L’exploration d’une image peut se révéler une expérience riche et plurielle, suscitant plaisir et émotion. Si certaines œuvres nous captivent instantanément, d’autres exigent une observation attentive, une plongée dans leurs méandres, avant de dévoiler leur essence profonde.

Cet article se propose d’explorer l’art de la lecture d’images sous différents angles:

◆ Pluralité des thèmes et des approches : L’art se nourrit d’une variété infinie de thèmes, et chaque artiste les aborde avec une singularité qui lui est propre. L’analyse de ces choix artistiques, qu’il s’agisse des sujets représentés ou des techniques employées, offre un éclairage précieux sur l’intention de l’artiste et le contexte de création.

◆ Surmonter les obstacles techniques : La représentation du monde sur une surface plane, comme le souligne l’analyse de l’espace dans l’art occidental, est un défi technique constant. Comprendre comment les artistes ont déjoué ces obstacles, comme le montre l’utilisation de la perspective par Fra Angelico, contribue à une appréciation plus fine de leur œuvre.

◆ La composition, orchestratrice du regard : L’agencement des éléments constitutifs d’une image – formes, couleurs, lignes – joue un rôle fondamental dans sa perception. La composition, telle une partition musicale, guide notre regard, crée des équilibres et des tensions, et participe pleinement à l’impact émotionnel de l’œuvre. Ce point sera abordé plus en détail dans le chapitre consacré à la composition.

◆ Messages subliminaux et jeux de piste visuels : Certaines images, à l’instar du « Miracle des pains et des poissons » du Tintoret, intègrent des messages subtils, des références dissimulées, qui se révèlent à un œil averti.

Il est important de souligner que même les images qui, au premier abord, ne nous attirent pas, peuvent recéler une beauté cachée. L’analyse, en nous permettant de saisir les intentions de l’artiste et les moyens mis en œuvre, nous ouvre les portes d’une compréhension approfondie et enrichit notre expérience esthétique.

En définitive, apprendre à lire une image, c’est s’initier à un langage visuel complexe et fascinant. C’est affûter notre regard, le rendre plus critique et perspicace, pour décrypter les multiples niveaux de sens et d’émotions que l’artiste a souhaité partager. L’analyse d’un large éventail d’œuvres, comme le propose cet article, contribue à aiguiser notre regard et à passer d’une contemplation passive à une observation active et éclairée.

L'image et ses perspectives

L’appréhension d’une image offre une multiplicité de perspectives. Ce chapitre en explore quatre, s’articulant autour de styles et d’époques distinctes, et nous invitant à un regard kaléidoscopique.

Langage et genèse de l'image

Interrogeons-nous sur la fonction première de l’image.

Bison, ours, lion, chevaux… De Chauvet à Lascaux, l’animal est une figure omniprésente des grottes ornées. La plupart des publications sur Lascaux datent les célèbres peintures de la grotte de 17 000 ou 18 000 ans.
Mais à quoi servaient-ils, ces images vive, puisque elles ornaient généralement des renfoncement obscur,, à une certaine distance de l’entrée ? D’aucuns ont suggéré qu’elles faisaient office de rituel magique censé permettre au créateur et a sa tribu de prendre au piège l’animal représenté.

Cheval, Grotte de Lascaux (Dordogne)

Des images faciles à saisir

Ci-dessous, une seconde image, fort différente : La Résurrection de Lazare, par Duccio (1310–1311),lors des premiers temps du christianisme. Il est facile d’identifier le sujet de la scène de la résurrection de Lazare. Selon l’évangile de saint Jean, ce dernier est mort et enseveli depuis quatre jours lorsque le christ arrive. D’après la bible, celui ci fait pourtant ouvrir le tombeau, puis dit : « Lazare, viens dehors! » Et le défunt sorti, les mains et les pieds encore enveloppés de linge funéraire (Jean 11, 41-44). C’est, dans l’Évangile selon Jean, le dernier des miracles accomplis par Jésus, avant sa propre résurrection.

Cette image est une illustration d’une admirable clarté : on voit Lazare emmaillotés, sortir du tombeau. A coté de Jésus, des hommes réagissent textuellement à l’ouverture du tombeau.

Avant cette oeuvre de Duccio, il est important de rappeler que d’autres oeuvres de la réssurection de lazare sont tout aussi emblématique. Au court du Vie siècle des mosaïques de la scène sont notamment inscrite dans la plupart des églises. Les oeuvres aux figures plate servent alors d’indice à ceux qui apprennent l’histoire. En effet, au Ve siècle, ce type d’image clair et sans équivoque permettait à l’Eglise d’expliquer les évangiles à un public en majorité analphabète. Il devient alors possible d’apprendre l’Histoire sainte en observant les images faciles à saisir.
Voir l’oeuvre : La Résurrection de Lazarre, Mosaïque, VIe siècle, Basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf

La Résurrection de Lazare, Duccio, 1310–1311

Jalousie et Duperie

Dans cette œuvre maniériste du XVIe siècle, l’artiste représente une scène allégorique complexe mettant en scène Vénus, déesse païenne de l’amour, dans une étreinte presque érotique avec son fils Cupidon, figuré avec des ailes. À droite de ce groupe central, un jeune garçon souriant incarne le Plaisir. Derrière lui, une étrange jeune femme vêtue de vert, dont le corps émerge de sa robe en révélant des détails reptiliens, symbolise sans doute la Tromperie : belle de visage mais laide sous la surface, elle est souvent associée à l’Amour.

À gauche du groupe principal, une vieille femme en furie s’arrache les cheveux. C’est la Jalousie, combinant l’envie et le désespoir, qui forme elle aussi un pendant de l’Amour.

Dans la partie supérieure, deux figures soulèvent un rideau qui masquait initialement la scène. L’homme, représentant le Temps, porte des ailes et un sablier emblématique sur son épaule. C’est lui qui révèle tout ce qui finit par contrarier l’amour charnel, ici dépeint. La femme qui lui fait face à gauche représente la Vérité. Elle dévoile le mélange complexe de joie et de terreur inséparable du don de Vénus.

L’image énonce ainsi une maxime morale : Jalousie, Tromperie et Plaisir vont parfois de pair avec l’Amour. Cependant, cette morale n’est pas communiquée avec la simplicité immédiate des épisodes bibliques. Elle prend la forme d’une allégorie aussi complexe qu’obscure, fondée sur le procédé de personnification. Son but n’est pas d’éclairer les illettrés avec une histoire édifiante, mais d’intriguer, voire de taquiner un public cultivé.

En effet, ce tableau a été réalisé pour le grand-duc de Toscane, qui en a fait don à François Ier, roi de France. Il s’agit donc d’une image destinée à distraire et à édifier une élite sociale et culturelle.

Agnolo Bronzino, Allégorie du triomphe de Vénus, 1540-1550

Aucune allégorie subtile à démêler

Entre les années 1920 et 1950, des centaines d’artistes se convertissent à la peinture abstraite. Après la Seconde Guerre mondiale, la peinture abstraite dans sa période contemporaine sera couronnée de succès et atteindra son apogée. L’école parisienne (Hartung) et une nouvelle génération d’artistes américains avec Rothko, Pollock…évoluent alors vers la représentation d’impressions subjectives sans aucune recherche de forme avec un art expressif qui culminera dans l’art informel, minimal, abstraction lyrique et peinture d’action américaine. La fin de la Seconde Guerre mondiale voit New York devenir la capitale de l’art contemporain. Une génération de peintres américains désinhibés, ambitieux et influencés par des artistes européens en exil reprend le flambeau.

Ces oeuvres n’évoquent en rien le monde ordinaire : pas de bison à piéger, ni de mythe à relayer, ni d’allégorie subtile à démêler. Ces oeuvres archivent le geste du peintre projetant ses couleurs sur l’immense toile pour créer un schéma abstrait, mais animé, pour certains palpitant. A quoi peut servir une telle oeuvre ? Elle entend faire voir l’activité créative et lingerie purement physique de l’artiste, révéler son corps et son esprit en pleine action, une fois qu’il e « met à l »oeuvre ».

Mark Rothko - Violet, Black, Orange, Yellow on White and Red - 1949

Qu'est-ce que l'image manifeste de la culture qui l'a vu naître ?

La peinture rupestre a quelque chose à nous dire sur les hommes préhistorique, ces nomades qui. se réfugiaient parfois dans les grottes mais qui haïssaient les bêtes sauvages sans édifier de foyer permanent.
La mosaïque chrétienne du Vie siècle reflète une culture paternaliste, selon laquelle il revient à une élite éclairée d’instruire les masses illettrées. Elle nous dit que pour ces premiers chrétiens, il importe de transmettre l’Histoire saine au peuple aussi clairement que possible, afin qu’il se pénètre de cette religion encore neuve.
L’allégorie du Bronzino, en a long à dire sur le milieu aristocratique raffiné d’esprit et de morue, un peu blasé peut-être, qui raffole des énigmes et met l’art au service de ses jeux d’esprit.

Les tableaux du XXe siècle, comme ceux de Rothko, offrent un aperçu d’une. autre époque, portant aux nues la vision personnelle d l’artiste et le caractère unique de sa performance. Cette époque récuse, semble-t-il des valeurs traditionnelles de la classe dominante ; elle encourage les artistes à s’exprimer en toute liberté et en toute originalité. En conclusion, l’illusion du naturel et du défi de représenter une image réaliste et convaincante restera un enjeu crucial et stimulant pour les artistes au cours de l’antiquité classique (600 av. J.-C. v. 300), puis de la Renaissance (qui commence au XVe siècle) au. début du XXI siècle.

Aujourd'hui : Utiliser le positif et négatif

Le terme de «positif» et de «négatif» dans les images recouvre plusieurs notions. ll est très important de s’assurer qu’on utilise ces termes de la même manière que notre interlocuteur. Nous allons, à travers le portrait de la Joconde, définir plusieurs type de « positif/négatif» de la manière la plus simple possible afin d’étayer notre jargon pour les articles à venir.

Ci-dessus
Positif La notion d’image positive englobe la totalité de celle-ci. Fond et forme inclus.
Négatif La notion de négatif suggère alors une image «inversée» où les couleurs claires sont foncées et vice versa. Chaque teinte devient sa complémentaire.

Ci-dessus
Positif On considère toutes les zones claires de l’image comme positives.
Négatif Les zones négatives (visage, torse et mains)

Ci-dessus
Positif Le personnage est la forme et n’est pas représenté par un fond.
Négatif Ici Mona Lisa n’existe que à travers le fond.

Ci-Dessus
Positif Le personnage est la forme et n’est pas représenté par un fond.
Négatif Ici La jeune fille à la Perle n’existe que à travers le fond.